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Consultation sur l’IRICC : Quels impacts pour la filière IRVE en France ?
L’IRICC (Incitation à la Réduction de l’Intensité Carbone des Carburants) – aujourd’hui en consultation – a pour origine le mécanisme de la TIRUERT, une loi votée tous les ans en loi de finance en France. Le TIRUERT n’est pas une subvention, comme on l’entend parfois, mais un revenu supplémentaire pour les développeurs de points de recharge. Ces revenus proviennent notamment d’un mécanisme qui permet d’influencer les profits des développeurs de bornes de recharge et donc de réduire le retour sur investissement.
En France, comme dans tous les pays de l’Union européenne, les distributeurs de carburants (c’est-à-dire les parties obligées telles que les compagnies pétrolières, les supermarchés et les distributeurs indépendants) sont tenus d’incorporer des énergies renouvelables dans tous les carburants de transport. Cette obligation est fixée à environ 10 % d’incorporation en énergie d’ici 2025.
Les distributeurs de carburant peuvent générer physiquement des certificats d’énergie renouvelable en mélangeant des biocarburants avec du diesel ou de l’essence fossile sous forme de B7, BX, E5, E10 ou E85, qui est la méthode la plus simple et la moins coûteuse pour eux, c’est-à-dire l’incorporation physique de biocarburants. Ils peuvent également acheter des certificats d’incorporation d’énergie renouvelable auprès d’autres acteurs du marché qui ont dépassé leur objectif d’incorporation. Depuis le 1er janvier 2022, ce dispositif, créé dans les années 2010 pour les biocarburants (notamment via la loi de finances, l’article 266 quinquécies du Code des douanes et le décret 2019-570), intègre des quantités d’électricité d’origine renouvelable utilisées pour alimenter les véhicules routiers via des bornes de recharge ouvertes au public.
Depuis 2022, les distributeurs ont également la possibilité d’opter pour l’achat de certificats d’énergie renouvelable, comme l’électricité renouvelable provenant de bornes de recharge électrique publiques ou l’hydrogène renouvelable ou bas carbone.
Les développeurs d’infrastructures de recharge de véhicules électriques ne sont que des émetteurs de certificats d’énergie renouvelable et n’ont aucune obligation. Le schéma ci-dessus décrit la chaîne de valeur du mécanisme de transmission TIRUERT (ou certificat d’énergie renouvelable). La production de certificats d’énergie renouvelable par les développeurs répond aux besoins de décarbonation des « parties obligées », qui achètent des certificats d’énergie renouvelable pour répondre à leurs obligations.
Prix des certificats d’énergie renouvelable
En termes de prix, la crise énergétique mondiale (en particulier le gaz naturel) s’est traduite par des prix historiquement élevés des biocarburants et des certificats d’électricité en 2022 et 2023, avec des prix proches de 400 €/MWh renouvelable. Les prix sont ensuite tombés à des niveaux proches de 260 €/MWh, avant de remonter à 330 €/MWh fin 2024. Le prix moyen pour 2025 s’annonce autour de 300€/MWh.
Les certificats d’énergie renouvelable délivrés par les chargeurs de véhicules représentent environ 2 à 4 % des certificats échangés sur le marché. Les 98 % restants sont constitués principalement de biocarburants, qui restent la principale solution pour atteindre les objectifs d’incorporation. Il existe une vingtaine de solutions de biocarburants liquides permettant aux assujettis/distributeurs d’atteindre leurs objectifs d’incorporation. Le prix des certificats d’énergie renouvelable délivrés par les opérateurs de ravitaillement en véhicules dépend donc directement du prix des biocarburants, et donc des conditions macro-économiques (cours des matières premières agricoles, prix mondiaux de l’énergie) ainsi que des conditions micro-économiques (évolutions de la législation, spéculation sur le marché, taxes ou amendes en cas de non-respect des objectifs, stratégies des acteurs du marché pour atteindre les objectifs).
IRICC – Quels impacts pour les prix des certificats en France ?
Point positif de l’IRICC : ce mécanisme semble garantir la viabilité des certificats générés par les bornes de recharge électrique jusqu’en 2035, malgré une décote progressive à partir de 2030. « S’agissant de l’électricité, l’électricité des bornes de recharges publiques pour véhicules électriques légers générera progressivement moins de certificats à partir de 2031 pour atteindre 50% de prise en compte dès 2035 » d’après ce document.
Cependant, nous notons les trois choses suivantes :
Entre 2026 et 2028, il semble que l’électricité ne soit plus prise en compte dans le mécanisme. En effet, les objectifs d’incorporation tel qu’écrits dans la loi ne permettent plus la prise en compte de l’électricité dans le mécanisme entre 2026 et 2028. En effet, les biocarburants – constituant majeur du marché – permettent à eux tous seuls de répondre aux objectifs de réduction des GES sans l’aide de l’électricité renouvelable car les mandats GES pour le routier ne sont « pas assez » contraignants lorsque ces derniers sont de -5.9% de réduction pour l’année 2026 comme le décrit la trajectoire proposée par le gouvernement. Notre analyse montre que qu’il faudrait un mandat autour de 7% à 8% pour que l’électricité renouvelable issue des bornes de recharge électriques puisse reprendre sa place dans le marché. En effet, en 2024, les biocarburants ont permis d’atteindre un chiffre proche de 6% de réduction de GES et en 2025, les objectifs de réduction de GES sont -5.9%.
Le multiplicateur / bonification de 4 dans le volume disparait au profit d’un multiplicateur « apparent » (qui n’est pas vraiment un multiplicateur mais qui provient de la méthode de calcul) d’environ 3 jusqu’en 2030, qui vient ensuite décroitre jusqu’à environ 1.55 horizon 2035, du fait de la décote prévue. Cela se traduit directement dans le prix qui est impacté de la même manière et par conséquent à la baisse.
Nous avons ainsi établi plusieurs scenarios en ce qui concerne le prix des futurs certificats IRICC :
Source – Greenea Notes : Cette courbe de prévision suppose que : 1. La part des énergies renouvelables en France augmente linéairement (aujourd’hui à 28,5 %) pour atteindre environ 41 % en 2035. 2. Les prix de marché restent similaires aux prix d’aujourd’hui 3. Les réductions d’émissions de CO2 des biocarburants restent similaires à celles observées aujourd’hui 4. Les textes de la consultation actuelle sur l’IRICC restent ceux qui seront implémentés
3. Anciens certificats TIRUERT – Dernièrement, le report de certificats électriques devrait être limité à un an maximum après leur année d’émission. En particulier, pour l’année 2025, ces « droits à comptabilisation peuvent être utilisés pendant une durée maximale de 6 mois à compter du 1 er janvier 2026 » d’après ce document.
Autres points à surveiller :
1. Fongibilité avec les secteurs du biogaz, de l’aérien et du maritime qui pourrait aussi mettre toujours plus d’énergies en compétition pour l’atteinte des mandats
2. Évolution de la fiscalité des biocarburants qui pourrait dans son sillage mettre à jour tous les autres prix des certificats compétition
3. La prise compte des PPA dans le calcul des énergies renouvelables, notamment dans le cas de l’hydrogène renouvelable ou bas carbone (le gouvernement est clair sur le fait que ce n’est pas possible dans le cas de la recharge électriques pour véhicules électriques)
Conclusion – il n’existe pas de prix de certificat 2026 dans le marché
Aujourd’hui, l’IRICC est au stade de consultation. En fixant un objectif GES trop peu ambitieux pour cette période, il existe un risque de concurrence entre les différentes solutions alternatives, ce qui pourrait se traduire par un effet contre-productif sur les ambitions de transition énergétique dans les transports. L‘IRICC inévitablement devrait remettre en cause à la baisse le prix des certificats électriques sur le court-terme (-20% dans le meilleur cas) et sur le long-terme (-50% dans le meilleur cas). Entre 2026 et 2028, cette baisse pourrait se transformer totalement en disparition du marché des certificats électriques.
Il est par ailleurs possible que l’IRICC soit implémentée au plus tôt en 2027, ce qui pourrait aussi permettre au marché de prendre le temps de s’adapter. Un autre point d’attention concerne une éventuelle révision des allègements de TICPE sur certains carburants, qui pourrait également impacter la valeur des certificats IRICC dans les années à venir. À ce jour, beaucoup d’incertitudes subsistent quant à l’évolution des prix des futurs certificats.